dimanche 1 août 2010

A5. L'INSTITUT d'INDOLOGIE d'AHMEDABAD



L'INSTITUT D'INDOLOGIE

D'AHMEDABAD



Dans la zone universitaire d'Ahmenabad, l'Institut des Études indiennes (Institute of Indology) est représenté par deux musées juxtaposés :
Le musée Lalbhai Dalpatbai et la N.C Mehta Gallery.

A côté, le bâtiment de l'Institut est chargé de conserver, de rechercher et de scanner les manuscrits précieux, enluminés ou non.

Je reste des heures dans ces deux musées, mais je croise davantage surveillants, agents et personnel administratif, que d'autres visiteurs.

Où sont passés les visiteurs ?


La photographie est interdite. Un surveillant m'accompagne partout pour faire respecter strictement cette règle.

Il allume la salle quand j'arrive et éteint quand je passe à la salle suivante...

Dans ces musées presque vides, dépaysement et méditation sont garantis !



1. Le Musée Lalbhai Dalpatbai :

J'aime beaucoup la collection de manuscrits jaïns enluminés, exposée au premier étage. Ils forment une bande dessinée réaliste de la vie de leur époque. Éléphants, dromadaires, chevaux, paons, serpents et poissons y abondent.


Dans une série du XVe s, le Kalakacharya Katha, le héros , Kalaka, va d'aventure en aventure. Souvent le fond des dessins est rouge, parfois bleu.

L'école est celle de Mandu.

Dans le Sripala Rasa, datant de la fin du XVIIIe s, le héros Sripala, se marie, assiste à des danses, à une cérémonie religieuse, à la reddition d'ennemis...

L'artiste dessine un deuxième oeil pour être plus réaliste... mais cet oeil semble un peu flotter dans l'air !



Au fond de la salle, le Ghar Deherasar date du XVIIIe s.

Cette oeuvre de Patan (dans le Gujarat), est un encadrement de bois sculpté, précédé de deux colonnes. En haut de ces dernières, des femmes en bois, penchées en avant, jouent du tambour ou de cymbales.

Des dizaines de personnages et d'animaux sont sculptés dans le bois du portique et des colonnes.

Au centre du portique, posée sur un socle de bois, une statue de tirthankar de marbre blanc est un chef d'oeuvre.


A côté, de belles pièces de bois sculpté sont présentées.
Beaucoup sont des fenêtres à moucharabieh, merveilleusement ciselées.
Des panneaux de bois, ornés de personnages finement sculptés, datent du XVIIIe s et viennent du Gujarat. Le bois est très sombre.



On a peint sur des vêtements de somptueux mandalas, souvent anciens.
Je verrai bien l'Adai Dvip dans mon salon.
Les couleurs sont relativement sombres, mais très subtiles.
Dessins cosmographiques, avec continents, montagnes, forêts, deux océans et quatorze fleuves. Des poissons nagent dans les océans.

Meru occupe le centre du mandala.

Aux coins, on remarque un temple. Chacun possède trois dômes et trois statues.

Aucune date n'étant indiquée, je fais l'hypothèse que ce mandala remonte au XVIIe s.

Un autre mandala lui ressemble beaucoup. C'est le diagramme cosmologique Adhidvipa, peint sur un vêtement, dans le style de l'Inde de l'ouest au XVIIe s.

En plus des poissons, je note que les océans contiennent aussi : éléphants, oiseaux, dragons, ainsi que des pécheurs portés sur leurs bateaux. Une très belle oeuvre.



J'apprécie aussi certaines oeuvres plus récentes :


- Une broderie de style Chamba (Himachal Pradesh) du XIXe s représente les activités de nobles : femmes avec servantes, jeux de cerfs-volants, jeu à la corde. Et quelques scènes de village : un pasteur avec ses bêtes par exemple.


- Une nappe de table du XIXe s est somptueuse, avec sa tonalité rouge carmin. La composition est remarquable et j'aime la précision des personnages.


Il y a aussi une collection de pièces de monnaie. Comme la numismatique m'attire peu, je la visite en deux minutes.



Le RdC est occupé par des SCULPTURES d'époques et de lieux différents.

1. De période Pallava-Chola (IXe au XIIe s), originaires du Tamil Nadu dans le sud de l'Inde. Ce sont des statues en granite de Brahma, Surya, Vishnou, Durga ou Shiva.

- Un Shiva du IXe s (Daksinamurti) est fort expressif. Le visage énergique, bouche grande ouverte, chevelure abondante et débordante, surprend.

Les mains aux premiers plans et les jambes croisées, une cuisse en avant, renforcent cette expressivité.


2. Période Pala (IXe au XIIe s), originaires du Bihar et du Bengale :

- Les rois Pala encouragent les arts hindous et bouddhistes. L'université de Nalanda devient le centre du bouddhisme. On peut voir deux beaux Vishnou et un Brahma-Savitri en marbre blanc (XIIe s). Rien d'exceptionnel.


3. Sculptures du Népal et du Tibet, où le bouddhisme se répand à partir du Bihar.

- Deux petites sculptures de bronze du XVIIIe s, une Tara assise et un Bouddha.

- Le plus grand des bronze est un Bouddha touchant la terre (Bhumisparsa mudra). Un dai élégant enchasse sa paisible silhouette.


Mes quatre sculptures préférées sont les suivantes :


1. Une tête de Bouddha en stuc (IV-Ve s) de style Gandara.

Yeux mi-clos, cheveux courts, front dégagé, menton large, lèvres souples.

Cette tête, à l'expression paisible, est une réussite.

Le cou a été rajouté pour tenir la tête. Le nez abîmé et le chignon manquant au sommet du crane ne peuvent gâcher cette oeuvre.


2. Un Shiva Nataraja, de style Chola (XIe s), coulé en bronze au XVIIIe s.

Cette sculpture est un chef-d'oeuvre.

Le corps de Shiva est gracile, fluet, ses gestes sont gracieux. Avec sa tête impassible, il semble détaché du monde, des conséquences de ses destructions. L'attitude est presque aérienne.

La finesse des détails est extraordinaire.

Tous les symboles de Shiva sont là : cobras, tambourin, croissant de lune, une flamme dans une main...

La déesse Ganga est nichée dans les tresses de sa chevelure.

Mains et pieds sont délicats, ornés de motifs et de bijoux. Il marche sur un nain démon, qui tient un cobra, comme par inadvertance.

A l'intérieur d'un cercle de feu, Shiva exécute sa danse de destruction et de création dans les flammes, avec impassibilité et harmonie.


3. Deux tirthankars jaïns en position de méditation.

Ils sont d'ailleurs assez différents l'un de l'autre.

- Ma statue jaïne préférée est Néminath, en schiste, de la fin du XVIe s.

C'est d'ailleurs ma sculpture préférée du musée, je la trouve très originale.

Sa tête est large, joufflue, avec de grands yeux. On distingue l'iris et la pupille de chaque oeil ! Sourcils aux arcs nets. Le nez est épaté, la bouche large.

Une bonne tête joufflue au sourire de chat !

Il se tient très droit, mains posées sur les pieds, les paumes offertes au ciel.

Les oreilles sont bien rattachées aux épaules carrées. Mais le ventre est arrondi.

Nains et pieds sont très larges, solides. Ce "chat" a les pieds sur terre...

On aimerait l'avoir pour ami !


- Sitalnath, en marbre vert foncé, du XIIe s (Gujarat) est plus complexe.

A part le bas des oreilles, cassé, la sculpture est en parfait état.

Ce jina en méditation possède un corps plus maigre, aux épaules tombantes.

Avec une tête étrange, une tête ovale avec le bas du visage plutôt large...

Un nez interminable, un vrai tremplin de ski, entre un petit front et une bouche minuscule.

Quelle oeuvre énigmatique...

On dirait un improbable scribe de Mongolie, asiatiquement ironiste, se moquant résolument de l'univers.


A ma première visite, je demande l'autorisation de photographier quelques oeuvres.

Le directeur étant absent, son adjointe demande 300 roupies par photo. Cela me laisse rêveur...

A ma deuxième visite, je peux voir le directeur : Ratan Parimoo, qui vient de rentrer de voyage.

Je lui présente mon intéret pour l'Inde, pour l'histoire des arts et pour l'écriture.

Nous regardons ensuite trois oeuvres : le Néminath, le Sitalnath et le Shiva Nataraja.

Je lui explique pourquoi je trouve ces trois sculptures remarquables.

Il m'autorise alors à photographier gratuitement Neminath "le Chat".

Il est fier d'avoir acquis, il y a deux ans seulement, le Shiva Nataraja.


Je feuillette ensuite son livre, réédité début 2010 :

"Life of Buddha in Indian Sculpture", dont la première édition remonte aux années 1980.


* * *


2. La N.C Mehta Gallery :


Cette galerie est spécialisée dans les manuscrits enluminés.

Elle prolonge les collections que j'ai appréciées dans le musée mitoyen. D'ailleurs, les deux musées communiquent au premier étage, au niveau des manuscrits enluminés.

Au RdC, je retiens surtout quatre séries.

* Les épisodes de la vie de Mahavira (tirthankar jaïn).

Ils sont datés de 1548, viennent de Patan, dans le Gujarat.

- Sa mère Trishala fait quatorze rêves (éléphant, taureau, lion, soleil, lune, Lakshmi, Flower garland, pot plein d'eau, bassin de lotus, océan de lait, char aérien des dieux, heap of jewels, feu sans fumée).

- On peut voir aussi Mahavira allant à l'école, un guru amusé par ses réponses, l'illumination de Mahavira,,,

* Les épisodes de la vie d'autres tirthankars jaïns.

Ils sont extraits de plusieurs kalpasutra, des 15ème et 16ème siècles.

- Méditation de Parshvanath, qui se tient debout.

Grande auréole bleue (sa couleur) et douze cobras autour de la tête.

Sur un fond rouge, trois perroquets et deux arbres complètent cette miniature.

- Procession de mariage de Néminath.

Le fond est bleu et le dore est généreusement répandu.

Il est assis sur un éléphant avec une femme au milieu de la miniature.

A gauche, il est assis dans un fauteuil.

A droite, des personnages à cheval et en char avancent.

- Méditation d'Adinath.

Grande ressemblance avec l'autre méditation. Le fond est rouge.

Deux arbres se penchent au dessus d'Adinath, qui semble léviter.

Sur les côtés, deux femmes dansent légèrement.

* Chaurapanchashika : compose au XIe s en sanscrit.

Mais les peintures sont du XVIe s (Gujarat). Deux séries sont représentées.

Le poète Bilhana tombe amoureux de Champavati. Le père de la jeune fille intervient, l'emprisonne et lui permet un dernier voeu. Bilhana récite alors 50 vers, leur histoire.

Cela transforme le père, qui, enchanté, accepte le mariage.

Bilhana est coiffé d'un bonnet jaïn (contenant les cheveux en chignon).

Champavati porte toujours de belles jupes colorées, un haut assez clair et un voile transparent (pour séduire, plus que pour cacher son visage).

* Early GITA-GOVINDA (Gujarat, 1525) :

- Où l'on voit Krishna dansant avec les gopis (vachères), avec des femmes nobles...

Le dessin est assez malhabile.

- Cette oeuvre du poète JAYADEVA (XIe s) est illustrée par de nombreuses écoles de peinture, en particulier au Rajasthan et au Gujarat.

Au premier étage, la série des manuscrits enluminés se poursuit.

* PAHARI style (Basohli, fin du XVIIe s) :

- Ce style naît dans les Etats créés dans les collines de l'Himalaya, dans la région de Basohli et près de Kangra.

- Vers la moitié du XVIIIe s, ces centres de peintures sont influencés par les miniatures mogholes. Ils acquièrent délicatesse et raffinement.

- Cela donne ensuite l'ecole de KANGRA.

Les sujets sont très classiques :

- Scènes de la GITA-GOVINDA, avec les épisodes de la vie de Krishna.

- Shiva, Parvati et leur famille (Ganesh).

- Episodes du Ramayana : Rama et Sita dans une foret ; Hanuman cherche Sita dans l'ile de Lanka...

- Scènes de palais : amoureux préoccupés d'eux-mêmes, femme offrant des bijoux à un paon, femme jouant de la veena près d'une antilope, bain d'une femme dans une cour (épiée par un homme), femmes nourrissant poules ou cigognes...

Enfin, je regarde avec intéret plusieurs vitrines.

Elles contiennent quatre Coran de la période moghole (du XVIe au XIXe s) et un texte arabe "in Kufic" du XIe s .

Ou bien des couvertures de livres en bois peintes de personnages colorés, du XIXe s.



A droite de la galerie, je vais à l'Institut des Etudes indiennes, un grand bâtiment de béton, comme le musée et la Mehta Gallery.

Au RdC, trois jeunes hommes scanent des manuscrits.

Je descends au sous-sol, occupé par la bibliothèque.

A côté, une femme me reçoit et accepte de me montrer des manuscrits.

Je ne comprends rien au sens car ils sont écrits en sanscrit, en hindi et en gujarati. Mais comparer les écritures et les styles est intéressant.


Lionel Bonhouvrier.

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