jeudi 19 août 2010

D4. ASTA LUEGO, HASTA GIRI ! (Palitana, 19.08.10)


ASTA LUEGO, HASTA GIRI !

(Palitana)



EN ROUTE POUR HASTAGIRI


J'obtiens l'information en discutant avec deux jeunes hommes, qui ont créés un site internet sur Palitana.
Hasta Giri est une colline, accueillant des temples jaïns, inscrite dans un méandre de la rivière Shatrunjaya. Du sommet, on peut y admirer la citadelle de Shatrunjaya.
Le lendemain matin, je prends un bus à 8h30 à la gare routière.

Le bus met trois quart d'heure pour parcourir 20 km.
Des villageoises entassent sur une banquette leurs achats de cuisine : grandes passoires, larges pelles et écumoires, plats profonds pour famille nombreuse...
Leurs deux filles sont excitées par le trajet et le retour dans leur village.

En quittant Palitana, nous empreintons une piste qui nous secoue en tous sens.
Je crains le pire...
Heureusement, le reste du trajet est moins chaotique.

Sur plusieurs kilomètres, nous longeons une berge de la Shatrunjaya, large rivière que j'ai admiré depuis la citadelle de Shatrunjaya.
Les passagers, saisis par cette dimension d'espace, ont le nez tourné vers l'eau.

Nous traversons plusieurs villages.
Des femmes marchent, une jarre d'eau sur la tête.
La circulation est ralentie par les troupeaux de vaches et de chèvres.
Un motard transporte dans un châssis sur roues une quinzaine de villageois entass
és...

Le bus dépose trois voyageurs en face de l'arche d'entrée d'Hasta Giri.
Dont celui que des passagers du bus nomment "l'Américain"...
A l'office, on me conseille de prendre le bus de 9h30, qui dessert le sommet de la colline.

C'est un minibus, qui démarre en retard avec ses banquettes bien remplies.
En vingt minutes, nous arrivons devant une cité entourée de rempart.
C'est le temple principal de la colline de Hasta.


TOUR DE L'ENCEINTE


Tout le monde entre dans le temple. Je choisis de faire le tour de l'enceinte.
Temps nuageux, venté, un peu perturbé. La pluie devrait être au rendez-vous...
J'ai laissé ma veste de montagne à l'hôtel...
On a construit des oratoires de marbre blanc sur tout le périmètre.
L'iconographie des sculptures est assez répétitive, mais je les aime bien.

De cette terrasse, le panorama est formidable sur la rivière Shatrunjaya, très large.
Un de ses méandres entoure d'ailleurs cette colline.
Je repère une autre colline, surmontée d'un temple, qui surplombe la rivière. Je compte bien m'y rendre ensuite.

Ce site impressionnant est un immense chantier.
Des ouvriers en suspension sculptent des statues, policent le pavement de marbre, reçoivent des plaques de marbre du haut de leur échafaudage...
Des blocs de marbre et de pierres gisent un peu partout. On regroupe aussi les briques en de grands tas.

Je photographie oratoires, portails, détails d'architecture et de décoration.
L'enceinte compte plusieurs plateformes emboîtées. C'est pratique pour obtenir des photos avec des champs de vision variés.
En contrebas, la rivière en débordant ennoye de nombreux arbres. Des sentiers permettent d'y descendre.

Après un tour complet, je constate que deux cars ont déversé de nombreux Indiens, très bruyants.
Je m'éloigne, en attendant que le flux se disperse.
Un peu plus tard, ils sortent massivement du temple. C'était une visite express !
Un moment idéal pour y entrer.


L'INTÉRIEUR DU TEMPLE PRINCIPAL


Ce temple de marbre blanc est somptueux.
Aussitôt, je grimpe sur la terrasse pour mieux le voir. Puis je passe de terrasse en terrasse grâce à des échelles.
Cela permet des photos formidables.

A midi, un gardien m'ordonne de descendre. Le bus va repartir !
- "C'est très gentil, Monsieur, de me prévenir ! Mais je préfère rester ! Pour le retour, je verrai bien !"
Les prêtres rigolent, m'approuvent, me font signe de rester. Ils finissent d'échanger leur toge blanche contre une tenue civile pour aller déjeuner.

Cela me donne faim. Lunch léger (bananes, 2 biscuits et chocolat) avant de reprendre mes exercices de funambule.

Plusieurs terrasses, carrelées de céramiques, sont inondées. Je dois remonter mon pantalon, l'eau m'arrive au dessus de la cheville.
Le ciel s'obscurcit , se plombe. La pluie m'oblige à descendre dans la cour.
Je visite quelques chapelles de tirthankars, à l'abri.

Pendant dix minutes, le temple me semble vide.
Puis des ouvriers d'entretien arrivent.
Depuis 12h30, j'écris sur une table basse. Petite discussion autour de mon cahier.
Après l'averse, un franc soleil rayonne.

Une douzaine d'Indiens débarquent bruyamment.
Très vite, les femmes s'asseyent en face du choeur, occupé par quatre grandes statues de tirthankars, pour une prière. Des chants lui succèdent.
Deux hommes, en tenue blanche jaïne, vont et viennent, donnent des conseils, se mêlent aux chants.

Après trois quart d'heure d'écriture, je reprends la visite.
Les Indiens ont disparu depuis longtemps.
Ce temple de marbre blanc possède au rez de chaussée quatre vastes halls.
Chacun est doté d'une grande coupole et de nombreux piliers.
Des niches abritent de petites statues de tirthankars. Plusieurs blocs sont bruts, en attente d'être sculptés.

Je m'interdis de photographier les idoles car plusieurs ouvriers se reposent à proximité.
Y compris dans le choeur. Quatre immenses tirthankaras, cela me tente, pourtant...

Je découvre les deux escaliers qui permettent de monter à l'étage, situé au même niveau que les terrasses latérales.
Ce temple est de toute beauté.
Je prends le temps de photographier ce qui me plaît.

Grâce au ciel dégagé, je distingue la colline de Shatrunjaya, couronnée par la citadelle.
Palitana est cachée de l'autre coté par trois collines.
En revoyant la colline isolée, coiffée d'un temple, je décide d'y aller.


PETITE PROMENADE AVORTÉE


Alors que je quitte le temple, deux camions pleins de jeunes gens et un troisième de jeunes filles arrivent. Ils hurlent en me voyant descendre à pied.
Ce temple ressemble vraiment à une cité fortifiée, une cite ecclésiastique, comme il en existait en Europe au moyen-age.

Je cherche à gauche le chemin pour la colline, mais j'aboutis à une impasse.
Perplexe, je comprends que ce sera moins facile que prévu...
Ou alors, en passant par la droite de la cité...

La pluie tranche le débat !
Sans protection, plus question de promenades.
Il sera bientôt 15h, le mieux est de redescendre par les marches.



DESCENTE PAR LES MARCHES


En plus des portions de route, que les piétons doivent parfois emprunter, il y a 2000 marches à Hastagiri.
C'est raisonnable, en comparaison avec Shatrunjaya (3800) ou Girnargiri (5000 marches).
Et je ne suis pas vraiment fatigué, car le bus m'a épargné la montée.

Cependant, je dois me réfugier dans un temple hindou plus bas.
J'y attends que passe le plus gros de l'averse.
Puis je continue à descendre la route, sous une pluie fine, quand les trois camions pleins de jeunes me dépassent. Déja !

Plus bas, je croise un bouvier, avec turban et djelabah, que je salue.
Il m'indique la reprise des marches, à un virage de la route.
Ce raccourci permet une descente d'escaliers raides. C'est préférable aux lacets interminables de la route.

Les deux escaliers traversent le versant en pleine nature.
Pour un marcheur solitaire, cela semble du luxe. Pendant les heures de foule, l'un est prévu pour la montée, l'autre pour la descente.

Les oiseaux poursuivent leur concours de chants.
Des paons sont perch
és au sommet de poteaux.
Un autre, caché sur une branche, entre les deux escaliers, s'envole.
Il déploie à demi ailes et queue, pour se poser plus loin avec grâce. C'est très beau.

Ce matin, un homme de l'office me donne 15h30, puis 17h comme heures de passage d'un bus pour Palitana.
J'arrive en bas vers 15h20. C'est gagné...


DE LA PATIENCE COMME L'UN DES BEAUX ARTS


A l'office, un autre homme me parle du bus de 16h.
Qui a raison ?
Par prudence, je m'installe à l'arrêt de bus.
Deux hommes discutent devant une échoppe ouverte sous l'arrêt.
Attente.
Au bout d'un quart d'heure, je comprends que le bus de 15h30 était imaginaire.

Des femmes passent en groupe, se cachent toutes le visage sous un voile.
De quoi ont-elles peur ?
Certains passants puisent un verre d'eau dans la jarre à côté de l'arrêt.
Des enfants vont à pied ou en vélo.

A 16h, un pressentiment s'impose comme une révélation : et si tous les deux avaient tord ?
A 16h30, mon intuition s'avère juste.
Aucun bus n'est passé depuis plus d'une heure.

A l'office, l'un des scribes ne s'étonne guère du démenti que les faits donnent à ses prévisions.
Il discute avec un homme.
- "This man have a car. You can go with him in Palitana !"
L'homme précise : "Yes. Ten minutes, I'm coming !"

Mon instinct m'avertit que je ne dois pas prendre ces paroles à la lettre.
Je sors, hésite.
Le mieux serait peut être de continuer à attendre à l'arrêt...
C'est alors qu'un autre scribe sort sur le seuil et me conseille d'attendre dans la voiture du gentleman.

Comme je ne veux vexer personne, je renonce à l'arrêt.
Mais je me tiens prêt à foncer si un bus arrive dans la bonne direction.
Après un quart d'heure, trois jeunes hommes se pointent. A cinq dans cette petite Maruti, nous allons nous serrer !

Quand l'un me parle du bus de 5 heures, je lui réponds que je n'y crois pas.
Il ne passera pas, j'en suis sûr !
Cela le fait rire. Tout deux se moquent de moi en allant à l'arrêt.
A leur retour après 17h, la mine déconfite, je n'ai pas le courage de me moquer d'eux.
- "Nevermind. It's India !"

Le troisième jeune homme s'avère un passager de notre hypothétique conducteur.
Ce dernier finit par arriver, s'installe au volant, tousse, chipote, discute...
Puis il repart à l'office !
J'ai envie de chanter un passage de la Marseillaise, celui ou de féroces soldats égorgent nos filles et nos compagnes...

Cinq minutes plus tard, le conducteur revient accompagné d'un jeune prêtre jaïn.
Quatre personnes dans sa Maruti, quel confort.
Le conducteur a du boulot.
Les ornières de la route ne lui laissent pas le temps de rêver.
Il évite d'extrême justesse un veau, qui par étourderie fonce droit sous nos roues...
Les suicides de jeunes augmentent aussi en Inde, m'a-t-on dit...


Lionel Bonhouvrier.

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