vendredi 13 août 2010

C1. L'ANGE GARDIEN de GIRNAR GIRI (Junagadh)



L'ANGE GARDIEN
de
GIRNAR GIRI

(Junagadh)





La montée aux temples jaïns depuis Guirnar Taleti est magnifique.
En faisant de nombreux arrêts pour photographier, je mets entre 2h30 et 3h.
Je raconte cela dans un autre texte : les TEMPLES JAÏNS DE GIRNAR GIRI.

Quand on franchît la porte du site, le premier temple est celui de Néminath.
Après cette grimpette sportive, je dois déposer mon sac à dos à l'office.
Un gardien me suit aussitôt jusqu'à l'entrée du temple principal.

Assis dans la cour face au temple,
je rédige des notes avec l'application d'un artisan.
On vient regarder ces signes bizarres... Deux jeunes filles, deux prêtres du temple, des pèlerins m'interrogent, intéressées par ce drôle d'oiseau.
Peu à peu, le message circule parmi les pèlerins : il vient de France, de Paris.

Le temps passe, je continue à écrire, on s'habitue à ma présence.
Après deux pages, je lève la tête. Plus personne ne se soucie de moi.

Mon plan fonctionne à merveille. La deuxième phase peut commencer...


Je me lève, évite le temple principal.
Sur le côté gauche, j'entre dans un bâtiment plus petit, incognito.

A l'intérieur, je photographie des pyramides étranges, admirablement ornées et des sculptures de tirthankars.

Dans la cour, je continue discrètement à photographier des tirthankars, de magnifiques blocs de pierre sculptée...
Pendant ce temps, un prêtre officie avec les deux jeunes filles dans la salle principale du temple.
Tout va bien.

De retour dans la première cour, je commets une faute stupide.
Près d'un gardien en uniforme, je photographie l'entrée du temple.
Aussitôt, il m'arrête :
-"It is not allowed !"
Je joue l'idiot à merveille, mais il réitère son interdiction en remuant son long bâton.
Rien à faire.
- "And if I have a permission ?"

Il me répond que je dois demander à l'office, où j'ai laissé sac et sandales.
Les explications avec le chef du bureau sont laborieuses.
Finalement, contre 40 roupies, il remplit un imprimé rose, que je range dans la pochette de ma chemisette.
A plusieurs reprises, le gardien exulte en gujarati, en une prière scandées à mes quarante roupies...

Missionné à mes dépens, il me colle alors aux basques, à quelques mètres.
S'en est fait de ma solitude...

Au début, je crois qu'il va finir par s'éloigner.
Douce illusion...
Il surveille le moindre de mes gestes, comme si mes mains allaient se changer en foudres pour pulvériser tout le temple !

Je veux photographier une sculpture d'une chapelle extérieure.
Stop ! C'est interdit !
Je ne peux photographier que l'extérieur, et encore...
En réalité, ce permis m'interdit de photographier l'intérieur des temples et les chapelles extérieures. C'est un piège à cons !
Je comprends maintenant la joie de mon chien de garde.

Comme c'est l'heure de déjeuner, j'espère m'en débarrasser.
Assis sur le pavement, reproduisant un motif, je dessine deux svastikas sur mon cahier.
Installé à quelques mètres sur une chaise en plastique, il attend.
Il n'a que moi à s'occuper...

Concentré dans le dessin, j'oublie la photographie.
Il vient jeter un coup d'oeil sur chaque dessin, puis se rassied.
Comme il s'ennuie, il se coupe les ongles pendant vingt minutes...

Les prêtres et les pèlerins disparaissent pour déjeuner.

Après le dessin, je prends des notes sur la coupole, les piliers, des détails d'architecture et sur des objets de culte.
Dessiner m'a complétement calmé.
Je suis en grande partie responsable. C'est mon erreur qui a déclenché ce marquage implacable.

Je décide de ne pas m'énerver.
Supportons patiemment les manigances de cet espion.

Et c'est le mieux.
Car je découvre, émerveillé, une succession de temples et d'autres bâtiments, avec des escaliers et des cours. Une cascade de surprises et de pierres.
La visite se prolonge au-delà de mes prévisions.

Dans une cour, il m'interdit de photographier des sculptures, rangées contre un mur.
Je proteste en vain.
Du coup, il frappe son bâton contre le sol, comme un C.R.S. avant une charge !
Toute statue de divinité est taboue...

Dès lors, je l'ignore totalement.
Je photographie les rares choses qui ne sont pas interdites...
A l'intérieur des temples, je traverse certaines salles avec de brutales accélérations.
Je m'amuse à le semer d'un couloir à l'autre. Ou je me plante longuement devant une statue quand il finit par me rejoindre, inquiet pour des chimères.

A l'extérieur, je prends tout mon temps, jouis des paysages et des ornements d'architecture.
Je l'entends taper son bâton contre le sol.
Serin, marchant sur les bords d'un bassin, je ne l'honore plus d'un seul regard. D'ailleurs, il n'existe plus.

La visite dure encore un long moment.
Ma doublure ne me quitte jamais des yeux, mais s'éloigne un peu.
Visiblement, il n'aime pas être ignoré.
Qu'il boude, qu'il malmène son bâton, à sa guise...

Et pour les photos, peu importe !
Au Mont Abu, je n'ai pris aucune photographie. Je n'en veux pas au règlement qui interdit de photographier même l'extérieur des temples.

Ici au Mont Girnar, le règlement est plus souple.
Cela leur permet de vendre des permis très limités.
Dommage que son application soit aussi tatillonne.
C'est aussi l'Inde... La bêtise en uniforme manque de discrétion.
Mais cet ange-gardien n'a pas réussi à me gâcher ces lieux superbes.


Lionel Bonhouvrier.

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